En 2008, le Conseil canadien pour la coopération internationale et ses membres adoptaient un programme en 10 points visant à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de l’injustice dans le monde. Ce programme présentait une vision de la société civile canadienne quant à la façon dont le Canada peut jouer un rôle décisif pour aider à mettre un terme à la pauvreté et à l’injustice.
Trois ans plus tard ce plan d’action demeure, plus que jamais, d’actualité. A la fin d’une année mouvementée pour les organisations internationales et nationales impliquées dans le développement international, je vous en présente les grandes lignes, comme un appel renouvelé à serrer les rangs et à redoubler d’ardeur pour que les priorités de ce plan deviennent réalité.
1) Promouvoir les droits des femmes et l’égalité des sexes
Toutes les statistiques le confirment : à l’échelle planétaire, les femmes sont beaucoup plus touchées par la pauvreté, l’exclusion et l’analphabétisme. Les femmes n’ont pas les mêmes possibilités que les hommes de façonner le développement social, politique et économique et d’y participer.
Le Canada a réduit radicalement le financement versé au mouvement des femmes ainsi qu’à la recherche et au plaidoyer. La situation est semblable dans le reste du monde. Nous devons renverser la tendance si nous tenons vraiment à instaurer l’égalité entre les sexes. Les mesures du Canada doivent comprendre un soutien considérable aux organisations de défense des droits de femmes, ainsi qu’une attention explicite aux inégalités entre les sexes dans l’ensemble des initiatives internationales en matière de diplomatie, d’aide, de commerce et de défense.
2) Promouvoir la santé et l’éducation pour tous
Toutes les personnes ont le droit à l’éducation et à la meilleure santé physique et mentale possible. La santé et l’instruction sont des préalables nécessaires à l’élimination de la pauvreté et à l’exercice de tous les autres droits.
Les experts reconnaissent que la santé, la pauvreté et l’éducation sont inextricablement liés. La dégradation de l’environnement et la pollution ont également un impact négatif sur la santé.
La population canadienne a accès à des services de santé et d’éducation universels, financés par l’État, et les apprécie (bien que des remises en question inquiétantes aient cours récemment) . Nos politiques d’aide internationale doivent appuyer l’accès à de tels services de qualité dans les pays en développement. Le Canada doit aussi agir comme chef de file pour exclure des accords commerciaux les services sociaux tels que la santé, l’éducation et l’eau potable.
3) Promouvoir le droit à l’alimentation et assurer des moyens de subsistance viables aux producteurs d’aliments dans les pays en développement
Une alimentation convenable pour tous constitue un droit des plus fondamentaux. Or, les aliments sont devenus une simple marchandise régie par les lois du marché. La moitié des personnes les plus affamées au monde sont en fait des producteurs agricoles, surtout des femmes.
La géographie de la faim est le reflet de l’iniquité des règles commerciales et d’une industrialisation mondiale de l’agriculture qui prive les petits exploitants agricoles de leurs droits.
Le Canada devrait plaider en faveur de règles commerciales plus équitables qui mettent un terme aux subventions injustes, préservent les marchés locaux, et ouvrent les marchés du Nord aux producteurs du Sud. Notre aide devrait privilégier des initiatives fondées sur les connaissances et les méthodes écologiques des agriculteurs locaux, plutôt que des solutions techniques venues d’ailleurs.
4) Bâtir un monde de justice économique
Chaque année, des centaines de milliards de dollars affluent des pays pauvres vers les pays riches sous forme de remboursement de la dette et de bénéfices pour le secteur privé ainsi que par l’entremise du commerce inéquitable et de la fuite de capitaux. Ces sommes sont de loin supérieures à celles de l’aide internationale octroyée aux pauvres.
Au nord comme au sud, de plus en plus d’acteurs de la société civile s’opposent à une mondialisation économique qui favorise les riches (comme nous l’avons vu cette année notamment avec le mouvement des indignés). Ils plaident en faveur d’une approche de l’économie mondiale fondée sur la justice, qui accorde la priorité aux droits de la personne, et à la réforme des institutions financières internationales.
Il faut revoir en profondeur le système financier international et mettre en œuvre de nouveaux moyens pour financer le développement : taxation et redistribution de la richesse, optimisation des bénéfices publics tirés de l’investissement étranger, lutte contre la corruption, etc.
5) Assurer la responsabilisation des entreprises
La première obligation de l’État, soit de faire respecter les droits fondamentaux de ses citoyens, cède maintenant souvent le pas à ses intérêts de défendre les droits des entreprises.
Les populations sont de plus en plus conscientes du fait que les sociétés du Nord ne respectent pas les mêmes normes à l’étranger que dans leur propre pays : les exemples de compagnies canadiennes implantées dans des pays en développement et aux pratiques environnementales et sociales douteuses se sont multipliées ces dernières années. L’adhésion des entreprises à des codes de bonne conduite volontaires n’a pas donné de résultats probants.
La société civile réclame que la responsabilité des entreprises soit obligatoire et réglementée, tant à l’échelle nationale qu’internationale, conformément aux normes internationales en matière de droits de la personne et de l’environnement.
(* ce texte s’inspire largement du document « Le défi mondial d’éliminer la pauvreté et l’injustice : un programme canadien en 10 points ». La 2e partie du texte sera publiée la première semaine de janvier 2012)
Chantal Havard est agente de communication et de relations avec le gouvernement au CCCI.