Du 2 au 27 juillet prochains, les 193 Etats membres des Nations unies se réuniront à New York pour un mois de discussions qui devrait aboutir au premier traité international sur le commerce des armes (TCA). Ce traité pourrait constituer la plus grande avancée du droit international pour la protection des populations civiles depuis la création de la Cour pénale internationale.
La « règle d’or »
Ce traité devra déterminer dans quelles conditions les Etats peuvent autoriser un transfert d’armes (achat, vente, transit, etc.), notamment au regard des risques que représente ce transfert pour les droits humains et le développement. Et tout va se jouer sur une question de vocabulaire : « ne doivent pas » ou « devraient tenir compte ».
Oxfam-Québec, les ONG membres de la coalition internationale Control Arms, ainsi que de nombreux Etats favorables à un TCA fort et efficace militent pour que le texte du traité indique que « les Etats ne doivent pas autoriser un transfert d’armes » lorsqu’il existe un risque substantiel que ces armes soient utilisées pour commettre des violations des droits humains ou que ce transfert ait un impact sur le développement du pays ou de la région.
Les opposants au traité cherchent à obtenir un langage moins contraignant : « les Etats devraient tenir compte de… » : ce qui laisse la possibilité aux Etats d’autoriser un transfert d’armes même si cela risque de contribuer à des violations des droits humains ou d'aggraver la pauvreté. Certains Etats (la Chine, Cuba ou l'Egypte pour ne pas les nommer) vont même jusqu'à remettre en question la notion de droits humains, prétextant qu'il s'agit d'un concept subjectif.
Le champ d’application du traité
Autre point de désaccord entre les différents Etats, ce que le traité doit couvrir : toutes les armes conventionnelles (c'est-à-dire hormis les armes chimiques et nucléaires), y compris les armes légères et de petit calibre ? Les munitions ? Les radars et matériels de communication ? Les composantes technologiques nécessaires à la construction d’armes ? Les équipements de police et de maintien de l’ordre dont le printemps Arabe a cruellement illustré le potentiel destructeur ? Là encore, les partisans d’un TCA faible et peu contraignant cherchent à limiter l’étendue du traité, alors que les ONG estiment que celui-ci devra couvrir l’éventail le plus large possible d’armes pour avoir un réel impact sur le terrain.
La transparence
Les négociations doivent aussi fixer les règles de mise en œuvre du traité par les Etats qui le ratifieront et notamment les mécanismes de contrôle : compte-rendu annuel des Etats sur leurs transferts d’armes, suivi des transferts pouvant constituer des violations du traité et du respect par les Etats du traité, règlement des différends et sanctions. Sans transparence et sans contrôle de son respect par les signataires, le TCA ne serait qu’une coquille vide.
Consensus ou majorité ?
Au-delà du contenu du TCA, le mode d’adoption même du traité suscite des oppositions : certains Etats, qui ne veulent pas d’un texte fort, comme les Etats-Unis, la Russie ou encore l’Egypte, réclament un « consensus » strict, c'est-à-dire adopté à l'unanimité. Dans ce cas, le texte doit convenir à tous les Etats. En pratique, cela revient à donner un droit de veto à chaque Etat, et mécaniquement à affaiblir le traité, en adoptant le plus petit dénominateur commun. Une adoption du traité par un vote des Etats permettrait d’obtenir un texte qui convient à une majorité d’Etats et laisse plus de chance à un TCA fort.
La place des ONG
Enfin, la place laissée à la société civile, par la voix des ONG, reste encore à déterminer : en théorie les sessions plénières et les principaux comités thématiques seront ouverts aux ONG (en tant qu’observateurs). Mais en pratique, combien de sessions seront réservées aux seuls délégués des Etats, permettant de négocier des compromis et arrangements en toute opacité, loin des yeux de la société civile et des citoyens à travers le monde qui se sont engagés en faveur d’un TCA robuste et efficace depuis de nombreuses années ? Ainsi, le dernier Comité préparatoire de la Conférence finale, en février dernier, a vu les sessions à huis clos se multiplier, réduisant la capacité de vigilance et d’influence de la société civile internationale.
Autant de questions qui détermineront si le texte adopté en juillet pourra avoir un impact réel sur les millions de personnes qui souffrent directement ou indirectement de ce commerce meurtrier.
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